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La culture, vecteur de notre identité, est-elle une priorité?

Publié le par RIDEAU, l’Association professionnelle de diffuseurs de spectacles
Photo de l'artiste Évelyne Brochu, en concert à Rivière-du-Loup. Crédit photo : Magella Bouchard

Cette lettre ouverte a été originalement publiée dans l'édition du 23 avril du quotidien Le Devoir. 

Phénomène rare témoignant d’une grande solidarité se tenait jeudi dernier, devant le bureau de ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, une manifestation d’artistes et de travailleurs culturels venus exprimer leur désarroi devant le peu d’argent accordé au Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) dans le plus récent budget du Québec. Ce budget est pourtant d’une importance capitale, puisqu’il vient sceller les perspectives financières des organismes pour les quatre prochaines années.

Le dernier exercice du genre remontait à 2017. Une éternité dans un contexte post-pandémique. Nous aimerions dire qu’une telle mobilisation spontanée nous surprend. Il n’est en rien. L’hiver dernier, rédigeant leur demande de subvention, des centaines d’organismes ont passé des dizaines d’heures à réfléchir et à mesurer avec rigueur leurs besoins financiers pour poursuivre leurs activités, les faire croître, assurer une juste rémunération à leur personnel et aux artistes.

Nos associations et regroupements, eux, s’affairaient à produire des études en prévision du budget ; ils ont chiffré et priorisé les besoins, démontré les retombées économiques générées par ce secteur, arguant que ce dernier, épuisé par la pandémie, était près du point de rupture, qu’un rattrapage financier était nécessaire. Nous avions bon espoir d’être entendus.

Puis, la réalité a frappé : un maigre ajout de 4,8 millions de dollars pour 2024-2025 au programme de soutien à la mission du CALQ, et autour de 8 millions les trois années subséquentes. Une fois le choc encaissé vint la colère, car, avec la fin de certaines mesures et de la diminution des fonds de certaines autres, une réalité est apparue : les crédits disponibles au CALQ pour l’ensemble de ses programmes passent de 161 millions de dollars l’an dernier à 160 millions cette année.

En outre, en creusant l’analyse encore davantage, on constate même que l’argent disponible pour soutenir spécifiquement le fonctionnement des organismes culturels passe, lui, de 97 millions de dollars en 2023-2024, à 90,9 millions en 2024-2025 ; une baisse de crédits en grande partie attribuable à la fin d’une mesure de 22 millions de dollars sur deux ans octroyés au CALQ dans le Plan pour consolider, faire briller et propulser le milieu culturel. Cette mesure mise en place en 2021 est venue aider les organismes à faire face à la pénurie de main-d’oeuvre et à contrer l’inflation en injectant 11 millions de dollars par année pour soutenir la mission des organismes. Retirer ce financement entraîne inévitablement un recul important. C’est 6,1 millions de moins pour affronter ces mêmes défis.

En cette journée d’étude des crédits à l’Assemblée nationale, nous aimerions entendre le ministre nous expliquer comment nous arriverons, dans ce contexte, à poursuivre notre travail. Que nous suggère-t-il de répondre aux demandes du personnel et aux artistes qui aimeraient voir leur salaire indexé au coût de la vie ? Quels arguments nous conseille-t-il d’invoquer pour les convaincre de ne pas changer d’emploi ou de carrière ? Avec quels moyens souhaite-t-il que nous maintenions la réputation enviable de nos artistes sur le plan international ? Comment envisage-t-il que nous nous y prenions pour que les créations demeurent accessibles et circulent aux quatre coins du Québec ? Qu’arrive-t-il avec les orientations de la politique culturelle du QuébecPartout, la culture ? Qu’adviendra-t-il du plan stratégique de développement du CALQ dévoilé il y a quelques mois, dans ce contexte ?

En visite à Paris la semaine dernière, le ministre, plus nuancé qu’au lendemain du budget, semblait concéder que les sommes disponibles étaient insuffisantes. Il dit maintenant « travailler activement avec le CALQ pour trouver une façon d’améliorer le soutien financier aux organismes culturels à même les enveloppes budgétaires du ministère ». Nous attendons mieux de ce gouvernement qui ne cesse pourtant de répéter que la culture, vecteur de notre identité, est une priorité. Nous attendons de lui qu’il adopte une véritable posture de développement vis-à-vis des arts et des lettres du Québec et qu’il procède à un rattrapage financier digne de ce nom.

Les enjeux sont clairs, les besoins abondamment chiffrés et détaillés. Nous n’avons plus le luxe du temps. Nos organisations et celles qui se joindront à nous, unies en ce Front commun pour les arts et les lettres, ne manqueront pas de le rappeler à sa mémoire au cours des prochains mois.

Le ROSEQ joint sa voix à celle des autres membres du Front commun pour les arts et les lettres, qui regroupe l’Association professionnelle de diffuseurs de spectacles (RIDEAU), En piste (regroupement national des arts du cirque), le Conseil des métiers d’art du Québec (CMAQ), le Conseil québécois de la musique (CQM), le Conseil québécois du théâtre (CQT), la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), le Regroupement de pairs des arts indépendants de recherche et d’expérimentation (REPAIRE), le Regroupement des artistes en arts visuels (RAAV), le Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec (RCAAQ), le Regroupement québécois de la danse (RQD), la Société des musées du Québec (SMQ), Théâtres associés (TAI), l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ).

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